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Interview de Gaspard Ferlito, chercheur et enseignant spécialisé en RASED

9 août 2022

Pouvez-vous vous présenter succinctement ?

Gaspard Ferlito :

Je partage mon activité entre ma profession d'enseignant spécialisé au sein d'un réseau d'aide spécialisé aux enfants en difficultés (RASED) dans le Val d'Oise et mon travail de recherche qui est le fruit même d'interrogations portées dans le cadre de l'exercice de ma fonction. Concernant mes recherches, je suis doctorant à l'université Paris 8 au sein du laboratoire ESCOL, sous la direction de Caroline Viriot Goeldel. Nos thématiques de recherches partagées concernent le traitement de la difficulté et des inégalités scolaires, la didactique de la lecture et l'implantation de la réponse à l'intervention (RTI) au contexte français.

À quelle occasion avez-vous initié votre partenariat avec Occitadys ? Quels sont les axes de travail sur lesquels vous travaillez avec notre association ?

Gaspard Ferlito :

J'ai initié un partenariat avec Occitadys en septembre dernier dans une volonté de recueillir les besoins de la profession en termes de communication avec l'institution scolaire car nous savons que les temporalités et les méthodes de travail diffèrent. Grâce à cette rencontre, j'ai pu initier un travail portant sur un outil collaboratif intégrant une messagerie instantanée et une « ligne de vie scolaire » reprenant les principales informations scolaires concernant un élève. L'outil fait l'objet d'un financement et demande encore à être amendé et finalisé.

J'ai par ailleurs été invité à participer à un cercle de réflexion au sein de l'académie de Montpellier portant sur les troubles spécifiques du langage.

Il est prévu qu'un autre cercle en appui de ma recherche puisse voir le jour et ainsi intégrer des membres d'Occitadys dans la mise en place de la réponse à l'intervention dans deux écoles de Montpellier.

Pourriez-vous résumer votre projet de thèse ?

Gaspard Ferlito :

Mon travail de thèse consacré au traitement de la difficulté scolaire dans les établissements du premier degré, s’inscrit dans la droite lignée des travaux portant sur la didactique de la lecture, le traitement des inégalités scolaires ainsi que l’organisation des dispositifs d’aides aux enfants en difficultés en France. Cette recherche s'articule autour de deux volets majeurs : la mise en place d'un dispositif d'évaluation auprès des enfants en situation d'apprentissage du code alphabétique et l'élaboration d'un outil de communication inter-professionnel venant à l'appui de ce modèle d'intervention par paliers.

Nous savons que la difficulté scolaire durable et persistante se construit autour des premières familiarisations avec l’apprentissage du code (recherche Lire, écrire, 2017). Le questionnement profond qui motive mon travail, s’inscrit dans la nécessité de déceler précocement les entraves aux apprentissages des élèves, tout en permettant une meilleure prise en charge scolaire de la difficulté. Dans l'exercice de ma fonction, j’ai pu constater  que de nombreuses prises en charge ou signalements  arrivent de manière trop tardive pour  bénéficier d’une aide efficace. Dans le milieu de la recherche, une première balise a été posée par Caroline Viriot Goeldel et Céline Piquée au travers d’une étude quantitative – la première en France - de la fréquentation des dispositifs d’aides (2016). Elle permet ainsi de mettre en lumière les caractéristiques de l’attribution d’aide et de son déploiement en montrant que 30% des enfants en difficulté ne bénéficient d’aucune prise en charge au sein de l’école ou par l’intermédiaire d’un enseignant spécialisé. Le travail des deux chercheuses fait par ailleurs état de critères officieux du déclenchement de l’aide, de sa faible intensité et de sa mise en place tardive auprès notamment des enfants de cours préparatoire.

Le principal enjeu de cette recherche consiste à mettre en place un dispositif d'évaluation dans une perspective préventive du traitement des difficultés scolaires.  La composante novatrice de ma recherche est d'importer une tentative d’application de la Réponse à l’intervention (RTI) au sein de deux écoles situées à Montpellier. Le choix de ce dispositif de la réponse à l'intervention, largement documenté et expérimenté outre Atlantique, fait l’objet depuis quelques années de recherches en France (Tual, 2020). Je pense que la RTI permet d’ouvrir de nouvelles perspectives dans le champ de la recherche en science de l’éducation par le biais un dialogue serré entre le(s) chercheur(s) et les intervenants auprès des enfants en difficultés.

La réponse à l'intervention servira dans le cadre d’une analyse systémique, à structurer la réflexion en distinguant les différents niveaux d’intervention auprès des apprentis lecteurs en difficulté : enseignement de la lecture en classe pour l’ensemble des élèves (niveau 1) dispositifs d’aide supplémentaire pour les élèves en difficulté (niveau 2) dispositifs d’aide spécialisés et/ou intensifs ( niveau 3). Elle offre ainsi trois avantages : une formation continue des enseignants reposant sur les pratiques validées par la recherche (evidence based), une approche préventive par le repérage des élèves à risques dès le début des apprentissages et la mise en œuvre d’évaluation régulières des performances des élèves. Son apport principal consiste à réunir, dans une approche cohérente et intégrative, des leviers éducatifs dont l'efficacité a été attestée par des procédés de démonstration issus de la recherche scientifique et de la pratique de terrain.  

Le palier 3, qui s’apparente au degré d’intensité maximum et qui peut faire l’objet d’interventions extérieures, est l’objet de mon deuxième volet de thèse. En partant des travaux de Serge Thomazet, cette  recherche fait de la collaboration entre les différents acteurs de la division du travail du traitement de la difficulté scolaire, la pierre angulaire de l’expérimentation. Ici encore, j’ai souvent été amené dans ma pratique professionnelle à me questionner sur la continuité de l'expertise dans des prises en charges internes et externes à l'école. L’expérimentation d'un outil de communication a pour  vocation  d’établir un lien entre les différentes professionnalités intervenantes auprès des enfants en délicatesse avec la lecture. La création d’un outil de collaboration qui est principalement une messagerie instantanée adossée à une ligne de vie scolaire de l'élève, me semble être le moyen de faire le pont entre ces deux champs de recherche.


Pour aller plus loin :