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TDAH de l'adulte : interview de Jérémie Pariente & Mélanie Planton

18 octobre 2021

Pour mieux connaître les passerelles entre le suivi des patients TDAH enfants, et celui du TDAH de l’adulte, notre équipe a rencontré le Professeur Jérémie Pariente, responsable de l’unité de neurologie cognitive et professeur de neurologie au CHU de Toulouse, et Madame Mélanie Planton, psychologue spécialisée en neuropsychologie.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, ainsi que votre unité ?

Jérémie Pariente & Mélanie Planton :

Rattachée aux départements de neurologie et neuropsychologie du CHU de Toulouse, notre unité s’organise en équipe pluridisciplinaire et propose depuis environ 5 ans, des évaluations pour les adolescents et adultes suspectés de présenter un trouble du neurodéveloppement et plus spécifiquement d’un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Ces consultations s’organisent en parallèle des évaluations neurologiques et neuropsychologiques dans un contexte de lésions cérébrales acquises ou liées aux maladies neuroévolutives.

Nous sommes partis d’un dispositif un peu lourd au départ, durant environ 2 ans, où chaque consultation associait un neurologue, un psychiatre, une neuropsychologue et une psychologue clinicienne sur deux temps distincts de consultation (consultation première fois et consultation de synthèse) par patient.
Puis nous avons simplifié la démarche en fonctionnant en duo médecin/psychologue pour les consultations de première fois. Le grand changement consiste essentiellement à nos collaborations avec les professionnels du libéral, de sorte que l’on reçoit aujourd’hui des adolescents ou des adultes qui ont été vus au préalable par un médecin neurologue ou psychiatre libéral.

Notre équipe cherche en effet à constituer un réseau et propose en ce sens une à deux formations par an pour les professionnels. Nous sommes bien entendu en relation avec les professionnels du grand-ouest et de la Franche-Comté pour bénéficier de leur expertise sur le sujet.
En ce sens aussi, l’ouverture de la prescription du Méthylphénidate tombe plutôt bien. En étant dorénavant permise aux médecins libéraux, elle les concernera davantage et les poussera certainement à s’intéresser à notre dynamique de réseau.

Quel est le parcours de soins pour les adultes rencontrant des difficultés évocatrices d’un TDAH en Occitanie ? Sur quel réseau s’appuie-t-il ?

Jérémie Pariente & Mélanie Planton :

Notre consultation est une consultation de second recours, à la demande des médecins spécialistes.

Notre territoire de « recrutement » géographique déborde de la Haute-Garonne, puisqu’il s’étend sur toute la zone de l’ancienne région Midi-Pyrénées. Bien que nous recevions régulièrement des demandes en provenance de Bordeaux ou de Montpellier, nous essayons de limiter notre zone géographique afin de répondre à la demande sur notre territoire.

Nous avons en outre très vite identifié notre besoin de ressources de 1er recours. C’est pourquoi nous proposons des formations organisées avec des psychiatres et des neurologues. L’intérêt des professionnels pour les TND de l’adulte augmentera très certainement avec les actions récentes et l’ouverture de la prescription.

Par ailleurs, nous continuons de développer nos partenariats avec des neuropsychologues, psychomotriciens, des collaborations internes avec des psychiatres, et avec les Centres Ressource Autisme, ainsi qu’avec l’Université Paul Sabatier à Toulouse pour répondre aux demandes de leurs étudiants.

Quels outils peuvent être utilisés en 1er recours pour le diagnostic de l’adulte ? Sur quels critères vous sont adressés les patients adultes ?

Jérémie Pariente & Mélanie Planton :

Comme énoncé, nous demandons aujourd’hui à ce que le patient qui souhaite être rencontré puisse être adressé par un médecin neurologue, psychiatre ou un neuropsychologue. Pour établir les diagnostics, nous préconisons en première intention l’utilisation de questionnaires et d’échelles tels que DIVA 2.0 ou le questionnaire de Conners. Toutefois, nous savons que le patient TDAH aura des difficultés à remplir ces questionnaires ou ne le remplira pas ; il y a également le biais des informations données par internet et l’absence de spécificité des troubles attentionnels qui peut conduire le patient à remplir son questionnaire en fonction des informations qu’il aura trouvées. - Nous devons rencontrer prochainement les équipes françaises d’Eloi Manien à Besançon et de Mathilde Sauvée à Grenoble pour avancer sur cette question de dépistage et d’organisation des filières.
En l’absence de biomarqueurs, c’est donc la qualité de l’anamnèse qui prime et permet ensuite d’orienter si besoin le patient vers des examens complémentaires.

Nous insistons aussi auprès de nos collègues sur la nécessité de diagnostiquer les comorbidités telles que le Trouble Développemental de la Coordination (TDC) ou les Troubles du Spectre Autistique (TSA).
D’autre part, le problème des addictions représente une comorbidité majeure chez les patients TDAH. En tant que médecin psychiatre addictologue, le Dr Juliette Salles qui nous accompagne connaît bien cette problématique. Son aide est précieuse.
Quant aux pathologies psychiatriques (troubles bipolaires, …), nous avons progressé mais ce n’est pas notre métier de neurologue.
Cela représente encore une vraie complexité de différencier la spécificité des conséquences cognitives de TND multiples, compliqués parfois de troubles psychiatriques et/ou d’addictions impactant elles aussi la cognition.

Nous sommes par ailleurs confrontés au problème trop connu de la liste d’attente. Il faut parfois compter plus d’un an avant de pouvoir recevoir un patient. C’est une situation difficile pour les familles et les patients qui sont en difficulté.

Comment se déroule le suivi du patient une fois qu’il est reçu par votre unité ?

Jérémie Pariente & Mélanie Planton :

Notre équipe propose ensuite un bilan neuropsychologique avec Madame Mélanie Planton ou Madame Béatrice Lemesle associé à un entretien avec notre psychologue clinicienne, Madame Marianne Cousineau, associé quand cela est indiqué à un bilan orthophonique.
L’orientation vers ces examen complémentaires ne se fait donc que si la suspicion existe.

Une fois ces examens complémentaires réalisés, le patient est revu sur une consultation de synthèse, lors de laquelle il est entouré par tous les professionnels qu’il a rencontrés, y compris le Dr Juliette Salles, médecin psychiatre-addictologue. C’est à ce moment qu’un diagnostic de TDAH est donné ou non au patient.

Quelles prises en charge thérapeutiques peuvent être proposées aux patients adultes ?

Jérémie Pariente & Mélanie Planton :

L’adulte étant souvent plus concerné par les mécanismes de compensation et par les comorbidités que l’enfant, on l’oriente souvent vers une prescription médicamenteuse et non médicamenteuse au besoin. On n’effectue donc pas, au sein du service de neurologie du CHU de Toulouse, de suivi.
Le Dr Juliette Salles, psychiatre, reste néanmoins présente au besoin pour rencontrer et orienter ces patients.

Nous proposons généralement les prescriptions pharmacologiques suivantes :

  • Méthylphénidate en première intention,
  • Atomoxétine, pour laquelle il faut effectuer une demande d’attestation temporaire d’utilisation (ATU),
  • D’autres psychotropes en fonctions de co-morbidités diagnostiquées.

Comment les pédiatres et professionnels de santé de l’enfant peuvent identifier votre unité et vous adresser des patients ? Comment articuler la transition de l’enfant ou adolescent vers l’adulte ?

Jérémie Pariente & Mélanie Planton :

Nous ne possédons pas de site internet pour informer les patients et les professionnels. Nous leur demandons de s’adresser d’abord à un neurologue ou à un psychiatre, qui pourra nous contacter par e-mail.

Nous réalisons un travail préalable visant à sélectionner les patients qui doivent passer par une évaluation pluridisciplinaire.

Cette évaluation pluridisciplinaire est réservée pour des patients nouveaux. Nous rajoutons régulièrement des consultations de suivi pour les adolescents qui nous sont adressés pour avis par des professionnels du secteur pédiatrique.
Nous souhaiterions en outre répondre à cette demande par une liste de médecins neurologues ou neuropsychologues dans le secteur libéral.

Souhaitez-vous apporter d’autres éléments à notre connaissance ?

Jérémie Pariente & Mélanie Planton :

Il est possible que dans les années à venir notre unité touche un plus grand public de neuropsychologues, psychologues, ergothérapeutes et psychomotriciens, pour lesquels nous pourrions organiser une journée de formation annuelle.
L’idée est de former des réseaux plus larges, qui ce qui permettra de proposer plus de formations pour l’adulte.

Enfin, notre équipe a ouvert un champ de recherche sur le TDAH constitué de deux projets en partenariat avec le CNRS et l’INSERM.

 


Pour aller plus loin :