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La formation EPLL : interview de Camille Moitel-Messarra

11 avril 2023

Portrait de Camille Moitel-Messarra, othophoniste

Pouvez-vous vous présenter succinctement ? 

Camille Moitel-Messarra :

Je suis orthophoniste, maître de conférence à l’Université Saint Joseph de Beyrouth (USJ), au Liban. J’ai un parcours de clinicienne et d’enseignante entre la France et le Liban qui m’a amené à diriger pendant douze ans l’Institut supérieur d’orthophonie de l’USJ, à m’investir dans le développement de cette formation et dans cette lignée à m’engager en 2017 dans un parcours de Thèse de doctorat, clôturé en 2022.

 

Comment avez-vous conçu EPLL ?

Camille Moitel-Messarra :

Depuis une dizaine d’années, en développant mon métier dans un pays dont la population est particulièrement vulnérable, l’investissement dans le vaste champ de la prévention est devenu une évidence et c’est dans ce sens que mon projet de thèse s’est construit avec le soutien de Christelle Maillart et de Trecy Martinez Perez du département de logopédie de l’Université de liège et la collaboration d’Edith Kouba Hreich. « Embarquons pour le langage » (EPLL) est le fruit de ce travail de thèse.

EPLL a été pensé pour répondre à un enjeu actuel important de santé publique retrouvé en France comme au Liban et dans de nombreux autres contextes : la qualité du soutien au développement langagier dans les services d’accueil de la petite enfance (0-3 ans) dans une perspective préventive des difficultés de langage.

Ce dispositif d’accompagnement vient renforcer l’utilisation de stratégies soutenantes pour le développement langagier par les professionnels de la petite enfance. Il a été conçu suivant les recommandations actuelles issues des recherches internationales pour optimiser l’efficacité des programmes de Développement Professionnel (DP). Dans cette optique, le dispositif EPLL intègre quatre principes : un apprentissage actif accordant du temps à la pratique réflexive des professionnels engagés, une intervention en contexte réel, une considération pour l’expérience préalable des participants et un dosage suffisamment élevé de l’intervention (Rogers et al., 2020).

 

Pouvez-vous nous en décrire les grandes lignes ? 

Camille Moitel-Messarra :

EPLL valorise la collaboration entre les professionnels de la petite enfance (PPE) et les orthophonistes. Il permet aux PPE de découvrir ou de renforcer l’utilisation de 5 stratégies connues pour soutenir le développement langagier de l’enfant : la dénomination, le langage parallèle TU, les questions réceptives, la répétition et l’allongement. Toujours dans un souci de rigueur et d’efficacité, ces stratégies sont amenées suivant le cadre proposé par Biel et collègues (2020). Ces chercheurs ont spécifiquement analysé les procédures et modalités d’enseignement des interventions proposées aux éducateurs, aux enseignants et aux parents concernant le soutien au développement langagier. Ils proposent un modèle intégrateur des principes clés pour l’efficacité des dispositifs de formation de DP qui regroupe 4 modalités d’apprentissage : le partage d’informations (par exemple : pourquoi nommer les objets, comment allonger une production), le modelage (le fait de faire devant l’apprenant ce qu’il doit intégrer), la pratique guidée (le fait de faire avec l’apprenant en lui procurant des indices pour le mener vers l’autonomie) et la rétroaction (le fait d’analyser ensemble la performance et de le partager de manière contingente en mettant l’accent sur les aspects positifs).

Pour finir, EPLL se veut un dispositif rigoureux mais souple qui permet à des professionnels complémentaires de se rencontrer et de s’engager mutuellement dans des nouvelles pratiques au service du développement langagier de tous les enfants.

 

Quels sont les objectifs de cette formation ( des 18 et 19 mars)  conçue pour les orthophonistes dans le cadre d’Occitadys ? 

Camille Moitel-Messarra :

Ces deux jours de formation ont pour objectifs de présenter le cadre théorique du dispositif EPLL, son contenu et son organisation pratique. La formation permet aux orthophonistes de prendre de la distance par rapport à leur pratique pour s’engager pleinement dans le déploiement d’EPLL dans les structures d’accueil de la petite enfance partenaires de la région. Ils doivent s’inscrire dans une pratique indirecte au service des enfants, en passant par un travail collaboratif qu’ils proposent aux PPE. EPLL demande aux orthophonistes de prendre une posture nouvelle dans le système de soins Français, qui s’inscrit pourtant pleinement dans leur champ de compétences. À la suite de ces deux journées, la formation se poursuit par l’accompagnement régulier des orthophonistes pour un travail de pratique réflexive le temps du déploiement du dispositif au sein des structures.

 

Références :

Biel, C. H., Buzhardt, J., Brown, J. A., Romano, M. K., Lorio, C. M., Windsor, K. S., Kaczmarek,S. A., Gwin, R., Sandall, S.S.,& Goldstein, H. (2020). Language interventions taught to caregivers in homes and classrooms: A review of intervention and implementation fidelity. Early Childhood Research Quarterly, 50, 140-156.    

 

Moitel Messarra Camille, Edith Kouba-Hreich, Trecy Martinez-Perez, Sami Richa, and Christelle Maillart. (2021). “ Le développement langagier des jeunes enfants : une intervention indirecte menée au Liban. ” Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant (ANAE) 173 : 443-454.

 

Rogers, S., Brown, C., & Poblete, X. (2020). A systematic review of the evidence based for professional learning in early years’ education (The PLEYE Review). Review of Education, 8(1), 156-188.