
Description des pratiques des médecins de premier recours du réseau Occitadys
Retrouvez ici les principaux éléments issus de la thèse de médecine générale de Maxime POIX présentée le mardi 03 juin 2025 à l’ université de Montpellier, sous la direction du Dr Mélissa MORENO et la présidence du Professeur Amaria BAGHDADLI.
Cette étude quantitative visait à décrire les pratiques des médecins de premier recours du réseau Occitadys, en termes de dépistage, d’orientation et de coordination. 60 réponses ont été obtenues, soit un taux de réponse de 42,25%. La majorité des
répondants sont des médecins généralistes (85%), exerçant en secteur libéral, en exercice de groupe. 10% sont des pédiatres et 2% des psychiatres. 45% des répondants ont entre 35 et 45 ans et 35 % entre 45 et 55 ans.
1.Organisation des consultations spécifique au parcours TSLA
La mise en place d'une organisation spécifique au parcours TSLA est présente chez 85% des médecins de 1° recours et un lien significatif est mis en évidence entre cette organisation et le nombre de consultations TSLA réalisées par mois (ANOVA : F(3,59) = 2,91 ; p = 0,042). Aucun lien n’est retrouvé entre l’ancienneté dans le réseau Occitadys et la mise en place d’une organisation spécifique.
Un étude des facteurs favorisant la mise en place d’une organisation spécifique par les médecins de 1° recours serait intéressante, afin de soutenir cette démarche.
Plusieurs consultations sont nécessaires pour mener le dépistage et l’ orientation ciblée vers les soins si nécessaires : 33,3% des médecins réalisent 2 consultations et 41,7% des médecins en réalisent 3. La durée prévue de la première consultation TSLA par ces médecins est souvent de 30 minutes (30%) ou 45 minutes (41%) contre 16 minutes en moyenne pour une consultation de médecine générale . La durée effective est plus longue encore. La majorité des médecins réalisent l’inclusion et le remplissage du dossier informatique SPICO des enfants principalement pendant un temps administratif supplémentaire (73,3%). Il est à rappeler que les médecins de 1° recours au sein d’Occitadys exercent cette casquette en plus de leur activité principale, dans un contexte de tension démographique médicale et sans rémunération en plus que celles accordées par la CCAM (Classification commune des actes médicaux). Tout cela peut alors engendrer une grande quantité de travail supplémentaire pouvant impacter leur implication dans le dépistage et la coordination des enfants qu’ils peuvent inclure dans le parcours de soins TSLA (manque de temps pour la réalisation de RCP (85,41%), manque de temps pour la réalisation de lien scolaire avec le corps enseignant (73,80%)). Cette réalité peut également expliquer que seulement 67,6% des médecins qui ont réalisé la formation initiale d’Occitadys soient actifs, les difficultés de temps et d’organisation bloquant dès le départ une partie des médecins.
Cependant, certains médecins ont mis en place différentes stratégies pour se dégager du temps:
- La délégation de tâches (inclusion informatique SPICO : 10%, examen physique de l’enfant : 13%, consultation de passation de tests de dépistage : 9%, consultation d’anamnèse : 5%) à diverses personnes (infirmière ASALÉE, interne en médecine, assistante médicale).
- La création de trames de consultation par les médecins eux-mêmes (40%) ou utilisation de la trame de consultation d’Occitadys (16,6%)
Occitadys, avec l’aide de la FECOP, soutient actuellement l’expérimentation d’un protocole de coopération pour la passation de tests de dépistage avec la BMTa et l’orientation vers un-e orthophoniste si nécessaire par des IDE formé-es, en délégation d’ un médecin de 1° recours.
2.Qualité de la démarche de dépistage et d'évaluation des TSLA
Concernant le dépistage des TSLA à proprement parler, l’examen clinique a une place primordiale dans les consultations comme le souligne le guide de pratique de la HAS de 2017, en particulier l’examen neurologique, morphologique, cutané, auditif et visuel. Les examens visuel et auditif sont régulièrement réalisés en amont de l’inclusion en 1° recours puisque l’absence de déficit sensoriel est un critère d’inclusion dans le parcours. L’examen neurologique est réalisé par 85 % des médecins de 1° recours, mais non de façon systématique alors qu’il est nécessaire à l’établissement des diagnostics différentiels. (Il est souvent ou toujours réalisé par 48,3% des médecins de 1° recours, rarement ou parfois par 36,6%.)
Face à ce constat, Occitadys envisage la création d’une formation intégrée ayant pour thème l’examen neurologique et morphologique pédiatrique dans le cadre d’une suspicion de trouble du neurodéveloppement.
Les outils de dépistage (mallettes, SNAP-IV, DCDQ-FE) sont fréquemment utilisés dans la pratique des médecins de 1° recours afin de confirmer les différentes hypothèses diagnostiques. Ces derniers sont présentés lors de la formation initiale d’Occitadys pour devenir médecin de premier recours. En ce qui concerne les mallettes de dépistage, la BMTa est celle qui est la plus utilisée par les médecins de premier recours (76,6%), probablement parce qu’elle est présentée lors de la formation initiale d’Occitadys avec des informations théoriques sur son utilisation et des cas cliniques sur l’interprétation des résultats des différentes épreuves. Bien qu’elle permette d’explorer l’ensemble des champs des apprentissages, la BMTi est moins utilisée que la BMTa (10% des médecins), probablement du fait de l’absence de formation initiale à son utilisation, de son temps de passation et de son coût.
Quels que soient les tests de dépistage utilisés, les médecins de premier recours sont globalement à l’aise dans leur utilisation, un peu moins dans l’interprétation des résultats, avec une bonne corrélation cependant entre l’aisance dans l’interprétation et l’utilisation. Un lien significatif existe entre l’aisance et la fréquence d’utilisation, mais pas avec le nombre de consultations réalisées par mois, ni avec la profession du médecin de 1°recours.
Depuis janvier 2025, Occitadys a augmenté le volume horaire de la formation initiale (14 heures de formation, contre 10 heures auparavant) afin de majorer l’entrainement et l’aisance des médecins dans l’utilisation des outils de dépistage.
Suite au dépistage, des bilans peuvent être demandés. Le bilan des praxies pour une suspicion de Trouble Développemental de la Coordination (par un ergothérapeute ou un psychomotricien) est souvent demandé (70%) par les médecins de1° recours et est globalement facile à obtenir (uniquement 6,6% de difficultés d’orientation).
Le bilan orthophonique est également fréquemment demandé (70%). L’étude ne permet pas de préciser si cette prescription est ciblée en fonction des résultats des tests de dépistage, tel que préconisé lors de la formation Occitadys. Un diagnostic de troubles du langage écrit est régulièrement posé (35%), contrairement au trouble de la cognition mathématique , perçu comme difficile à dépister (31,7%) et rarement rencontré dans la pratique (0%).
Afin de permettre la montée en compétences des médecins sur le diagnostic de troubles de la cognition mathématique, Occitadys a proposé un atelier intitulé « Les mathématiques : quand parle-t-on de dyscalculie ? » animé par Nathalie FAURE-MARIE, neuropsychologue et thérapeute TCC, lors de son congrès en 2024 à Toulouse et prévoit de dédier un webinaire à ce sujet.
Le bilan orthophonique est celui qui est le plus difficile à obtenir (76,7%), probablement du fait de la faiblesse de l’offre de soins. La prise en charge rééducative est également difficile à trouver (91,6%). Ces difficultés d’accès à l’orthophonie pour bilan ou prise en charge rééducative pourraient avoir de multiples causes comme le nombre insuffisant d’orthophonistes formés chaque année en France, des bilans orthophoniques trop demandés en première intention avant toute démarche diagnostique de TSLA, des rééducations longues empêchant la prise en charge de nouveaux patients, des comorbidités non prises en charge freinant l’efficacité de la rééducation ou des mauvaises orientations pouvant saturer les professionnels.
Une étude auprès des orthophonistes sur leurs pratiques au sein du parcours de soins TSLA permettrait d’enrichir ce constat par leur point de vue (pertinence de l’adressage, critères de priorisation, organisation de travail).
3.Coordination
Pour les médecins de 1° recours, la coordination prévue dans le cadre du parcours TSLA se limite, après la création et le remplissage de l’outil informatique SPICO, au recueil des informations via les familles des enfants (78,3%) ou par la réception des comptes-rendus de bilans réalisés par d’autres professionnels (76,6%). Les Réunions de Concertation Pluriprofessionnelle(RCP) sont cependant réalisées en pratique par 20% des médecins de premier recours. Les freins rapportés pour sa réalisation sont le manque de temps (85,41%) et de formation à la coordination (29,16%). 77% des répondants jugent également que l’absence de rémunération est un frein à la coordination au sein du parcours Occitadys. Bien que la place de la coordination soit encore à soutenir, l’adhésion au parcours Occitadys a permis pour la plupart des médecins de premier recours de se constituer un réseau local de professionnels permettant de faciliter les échanges avec ces derniers pour coordonner la prise en charge des enfants inclus.
En parallèle, l’absence de contact des médecins de 1° recours avec le corps enseignant est une réalité retrouvée dans cette étude (70%). Les facteurs limitant sont le manque de temps principalement (73,80%), le manque de disponibilité des professeurs (21,42%) et le secret médical (7,14%), ainsi probablement que le manque de rémunération (non évalué dans cette étude). 76,7% des médecins de 1° recours répondant au questionnaire ne participent jamais aux équipes éducatives organisées par les établissements scolaires. 59% des médecins de 1° recours déclarent que le corps enseignant prend en compte les aménagements scolaires qu’ils préconisent pour les enfants dans le parcours de soins TSLA contre 7% pour qui les aménagements scolaires ne sont pas mis en place. Les médecins communiquent également que la prise en compte des aménagements scolaires peut être variable (13%) ou enseignant-dépendante (10%), peut être réalisés par d'autres professionnels de santé (3%) ou n’ont pas de retour sur la mise en place de ceux-ci (8%).
En l’absence de rémunération des RCP pour les médecins de 1° recours dans le cadre du parcours TSLA, Occitadys a pu s’appuyer sur son partenariat avec la FECOP pour diffuser vers d’autres CPTS les dynamiques organisationnelles de coordination expérimentées localement par des équipes de professionnels de 1° recours engagés. De plus, depuis mai 2025, tel que suggéré par 51,7% des médecins répondants, Occitadys a instauré des RCP entre médecins de 1° et 2° recours pour améliorer l’orientation des enfants et permettre la montée en compétences des médecins de 1° recours.
4.TDAH
Si le diagnostic et la décision de prise en charge du TDAH relèvent d’une équipe de 2° recours, le TDAH est le trouble rencontré le plus souvent dans la pratique des médecins de 1° recours (53,4%) ; c’est aussi pour eux le plus difficile à dépister (45%), à orienter (61,6%), et à coordonner (83,3%). La non possibilité de prescription de bilan psychologique, de prescription de groupes d'habiletés parentales (type groupes Barkley) et du traitement médicamenteux contribuent également aux difficultés.
Occitadys soutient le développement des compétences de diagnostic et de prise en charge du TDAH des médecins de 1° recours par 2 formations complémentaires offertes depuis 2024 dans le cadre de l’ANDPC : la 1° sur le diagnostic et la prise en charge du TDAH de l’enfant, la 2° sur le traitement pharmacologique du TDAH et des troubles psychoaffectifs associés. Elle co-porte également la proposition de reconnaissance d’un statut de « médecin spécialisé du TDAH » introduit par dans les recommandations HAS de 2024,avec des critères stricts de formation, dans l’objectif d’améliorer l’accès à la prescription du méthylphénidate en France.
5.Poursuite de l'activité après la fin de l'expérimentation Parcours TSLA
Cette étude s’inscrit dans une démarche d’amélioration du parcours des TSLA et dans la fin de l’expérimentation du projet Occitadys (5 septembre 2025) et sa transition vers le
droit commun, ie vers les PCO. Or, dans ces dernières, le déclenchement du forfait dérogatoire est réalisé par le médecin coordinateur et non pas le médecin adressant. Les médecins de premier recours ont donc été interrogés à ce sujet et 67% des répondants ont exprimé qu’ils n'accorderaient pas le même temps aux consultations TSLA s’ils n’ont plus de possibilité de prescrire des forfaits dérogatoires (ergothérapie ou psychomotricité).
Occitadys propose à chaque PCO des modalités de coopération avec les médecins de 1° recours du Parcours TSLA afin de maintenir leur engagement