Trousse pédagogique d'Occitadys : résultats de l'expérimentation menée à l'école Jules Ferry (Aussonne)1
La Trousse pédagogique est un dispositif proposé par Occitadys, composé d’une mallette d’outils pédagogiques, accompagnée d’un livret explicatif et de ressources sur clé USB. Il s’adresse aux enseignants et aux AESH d’écoles primaires pour favoriser l’inclusion des enfants à besoins particuliers dans la classe. Une formation initiale d’aide au repérage des besoins et à la prise en main des outils de la Trousse pédagogique est proposée aux enseignants, en amont de son utilisation en classe.
Forte de son partenariat avec l’Académie de Toulouse, une expérimentation a été réalisée sur l’année scolaire 2021-2022, dans six classes de CP au CM2 de l’Ecole Jules Ferry d’Aussonne (31), grâce à l’implication de Mme Séverine Lacourthiade, à l’époque Inspectrice de l’Education Nationale en charge de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés au Service départemental Ecole inclusive de la Haute-Garonne. L’équipe d’Occitadys vous rapporte ci-dessous le bilan de cette expérimentation.
Qu’est-ce qui a déterminé l’utilisation des outils ? Comment s’est faite l’identification des besoins des enfants ?
Le principal dilemme qui s’est posé au début était de décider s’il fallait cibler les élèves ou bien laisser le matériel en libre-service à tous. Pour éviter la stigmatisation, les enseignants ont choisi d’étendre l’accès aux outils à plusieurs ou tous les élèves.
Ils ont pris le temps d’accompagner les élèves dans la connaissance des outils de la trousse pédagogique, leur permettant progressivement de se les approprier et de devenir autonomes dans leur utilisation. Parfois, les élèves réclamaient eux-mêmes un outil, d’autres fois après un essai à la suggestion de l’enseignant, les élèves s’en saisissaient à leur tour. Enfin, l’utilisation de l’outil a pu être proposée par un professionnel de soins. Ainsi, petit à petit, les élèves ont pris l’habitude d’aller chercher et de se servir plus librement du matériel proposé.
À noter que dans certains cas, comme avec le pupitre de table, le matériel a pu être réclamé à nouveau par l’élève alors que l’enseignant n’avait pas identifié de plus-value lors de son essai. L’élève exprimait ainsi un intérêt et un bienfait certain, même si celui-ci n’était pas perceptible ou mesurable par l’adulte.
Un exemple a été choisi par l’équipe enseignante pour illustrer cette utilisation : le chuchoteur :
Un exemple : le « chuchoteur »
→ Evolution - La consigne « Lisez dans votre tête » équivalait au début à « Utilisez votre chuchoteur ». C’était ritualisé. Au début, la consigne incitait donc à le sortir du cartable, ce que tout le monde faisait dans la classe. Puis, progressivement, certains s’en sont défaits, et ne l’ont plus utilisé, la compétence de lecture silencieuse ayant été suffisamment développée. → Difficulté - Le chuchoteur soulève le problème du sur-outillage : c’est compliqué de manipuler simultanément le guide de lecture et le chuchoteur. Par moment, l’enseignante a dû intervenir pour trancher dans l’encombrement (« Il faut choisir !»). → Plus-value - Du fait de l’utilisation généralisée du chuchoteur (l’enseignante en a fabriqué un par élève), la classe est très calme, les élèves sont très concentrés. Les faibles lecteurs papillonnent moins, et sont plus mobilisés sur leur tâche. Au sujet de l’effet produit par le chuchoteur, un élève témoigne : « J’ai l’impression que c’est maman qui me le chuchote dans l’oreille » (témoignage que l’enseignante met en rapport avec la faculté d’identification et de compréhension en lecture). |
De façon inattendue, l’expérimentation a mis en évidence davantage de réticence à utiliser les outils de la part de certains enfants avec de réels troubles. Les enseignants ont émis plusieurs hypothèses :
- Le renvoi à leurs difficultés d’apprentissage,
- L’utilisation en rééducation et l’exposition de cette rééducation en classe.
En revanche, la possibilité de généraliser l’utilisation des outils à l’ensemble de la classe a réduit généralement ces réticences.
Quel est le vécu des enseignants face à l’utilisation des outils ?
L’avis des enseignants est globalement positif quant aux outils proposés dans la Trousse pédagogique. Si la formation initiale qu’ils ont reçue les satisfait globalement, ils font part d’un besoin d’un accompagnement extérieur supplémentaire par les professionnels pour l’utilisation de deux types d’outils en particulier :
- Les fidget toys, qui ont suscité quelques tensions au sein des groupes d’élèves,
- Les renforçateurs, dont l’adaptation semble plus subtile à mettre en place.
Comment les outils amènent les enseignants à se questionner sur leur pratique et l’ergonomie en classe ?
L’utilisation des outils de la Trousse pédagogique en classe a permis aux enseignants de poser un regard différent sur leur pratique, et à réfléchir à de nouvelles approches. On retrouve ce questionnement au travers des réflexions suivantes, extraites du bilan de l’expérimentation :
- "L’enseignant : « Assieds-toi correctement ! » puis la remise en question : « Pourquoi faire, en fait ? Qui décide que c’est une condition nécessaire à la bonne réalisation d’une tâche ? Que signifie « correctement » : « de façon respectueuse » (et envers qui ou quoi ?) ou « de façon confortable » ? "
- "L’enseignant :« J’avais l’impression qu’il fallait qu’ils me regardent pour apprendre, et maintenant j’accepte qu’ils ne me regardent plus »"
- "L’élève : « J’utilise le marchepied parce que j’ai de trop petites jambes ». L’enseignant :« L’enfant se considère inadapté au mobilier (et pas l’inverse) »."
Parfois, les outils ont pu être détournés de leur fonction initiale, mais qu’importe !
- "L’élève « On est plus haut et c’est plus confortable », en référence à l’utilisation du coussin à picots."
Les enseignants interrogés évoquent principalement l’émergence d’un nouveau regard sur l’uniformité des tâches : ils acceptent mieux que tous les élèves ne fassent pas la même chose, pas de la même manière. Ils ont apporté plus de flexibilité à leur classe : « ils s’installent par terre, ils ont le droit d’être « mal assis » … ». C’est une acceptation progressive : avant l’expérimentation, cette variété n’aurait pas été tolérée dans la plupart des classes concernées. Il y a un plus fort sentiment d’équité : c’est plus « équitable » d’avoir amélioré la condition de celui qui ne peut pas poser les pieds par terre, de celui qui a besoin d’un casque, etc…
Les enseignants et les AESH relatent aussi l’apaisement du climat de la classe grâce aux outils, pour les enfants comme pour les professionnels.
Émergence de nouveaux questionnements
L’expérimentation de la Trousse pédagogique a aussi apporté de nouveaux questionnements, parfois même des inquiétudes, de la part des enseignants.
Ils s’interrogent notamment sur :
- Le risque de « sur-étayage par l’utilisation de certains outils », avec l’exemple de « la règle de lecture qui dispense de travailler le retour à la ligne ».
- « La comparaison avec d’autres écoles : il faut faire une sensibilisation en amont. Notion du collectif "école" ».
- « La suite de la scolarité sans les outils pour les élèves qui en auront bénéficié à l’école élémentaire, et le risque que le retrait de ces adaptations scolaires pourrait représenter au collège ».
Les expérimentateurs du dispositif s’accordent néanmoins positivement sur l’idée qu’ « [à] contrario : par cette expérience, on a peut-être donné à l’élève une occasion d’être rassuré sur ses besoins, sur son identité, ce qui le rend plus fort pour la suite. »
En conclusion, nous pouvons dire qu’il faut du temps pour que les élèves s’approprient les outils, mais qu’après quelques mois, « les élèves savent dire ce qu’ils préfèrent, vers quel(s) outil(s) ils doivent aller ». Ils deviennent partie prenante.
L’arrivée de la Trousse pédagogique au sein d’une classe amène des questionnements intéressants et nouveaux, notamment sur l’ergonomie d’une classe, obligeant les enseignants à revoir leur organisation, mais apportant du positif pour tous.
Des inquiétudes persistent sur la question du « devenir » de ces outils et de leur acceptation au collège notamment. Mais là encore, c’est en banalisant l’utilisation de ces outils dès l’élémentaire et en les intégrant au plus tôt à la pédagogie de l’enseignant qu’ils pourront se généraliser si les besoins persistent au collège.
Enfin, grâce au dispositif, les pratiques des professionnels évoluent, le climat de classe se détend, les enseignants recherchent davantage l’équité et moins l’uniformité.
1Expérimentation coordonnée par Madame Lacourthiade, IEN SDEI 31, Madame Garnier et Monsieur Brocard, Conseillers pédagogiques SDEI 31
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