Vécu parental du parcours de soins d'Occitadys, destiné aux enfants avec troubles du langage et des apprentissages
Vécu parental du parcours de soins d'Occitadys, destiné aux enfants avec troubles du langage et des apprentissages - Thèse Anaïs MATHON sous la direction du Dr Sandra FONT-MARQUILLANES. Mai 2024
Le Dr Anaïs Mathon a réalisé en 2023 une étude qualitative à partir d’entretiens semi-dirigés de 13 parents d’enfants inclus dans le parcours TSLA Occitanie depuis plus de 6 mois dans le but de comprendre l'impact de la prise en charge par le parcours pour les enfants concernés à partir de l’expérience vécue par leurs parents. Cette étude a également permis d’analyser le rôle des différents acteurs (professionnels de santé, parents, enfants et enseignants) dans le parcours de l’enfant vivant avec un TSLA.
Les témoignages recueillis confirment le rôle facilitateur du parcours TSLA pour lever les freins financiers, offrir une alternative de prise en charge face à des structures surchargées, réduire les freins administratifs (prises de RDV, dossiers MDPH) et fluidifier le parcours (« ça sauve une année de scolarité … largement, voire plus, parce que du coup toutes les rééducations on peut les enclencher très très rapidement. ») . C’est un soulagement, mettant fin à un long parcours d’errance aux dépends de l’enfant. (« Au début on est quand même complètement démunis, on ne sait pas du tout ce qu'il faut faire. » « Ces mois-là d’attente à voir votre enfant dépérir … ». « C’est très très long quand l’enfant commence à se créer des phobies (scolaires). »). Ils pointent cependant certaines difficultés : manque de visibilité du parcours TSLA, manque de clarté sur le fonctionnement du parcours, surcharge des professionnels du parcours … difficultés auxquelles Occitadys a souhaité essayer d’apporter des réponses par la poursuite de la rencontre des acteurs sociaux et éducatifs, le renforcement du rôle des correspondants d’entrée de parcours en 1° niveau de recours, l’écriture d’une charte de fonctionnement à destination des familles (avec une version accessible) et la proposition de nouvelles formations à destination des professionnels de santé.
Les parents apprécient les relations avec les différents professionnels du parcours. En particulier, la première consultation médicale, longue et détaillée, est vue comme un aboutissement, avoir un diagnostic leur permettant de mieux comprendre leur enfant et de donner du sens à leurs démarches et de pouvoir appuyer les demandes de compensation. (« ça nous a fait énormément de bien de comprendre ce qui se passait. […] ça a apaisé autant à l'école qu'à la maison. »). Le diagnostic peut permettre de rassurer l’enfant. Dans l’ensemble, les professionnels de santé sont proches des familles et des enfants qui leur font confiance. (« moi je l'aime beaucoup […] il a été très compréhensif […] une personne qui nous a aidés, qui a été un super accompagnant »)
Les représentations des parents ont évolué avec la participation au parcours : avant que le diagnostic de TSLA et/ou de TDA/H soit établi pour leur enfant, les parents rapportent de manière quasi unanime une incompréhension initiale, doublée d'un sentiment d’impuissance. (« on pensait longtemps que c’était un fainéant. » « Souvent je ne comprenais pas quand les maîtresses me disaient, jusqu'à ce qu’on ait le diagnostic « ça va pas »» « je disais à ma fille « bah je sais pas, je sais pas comment t’aider … je sais pas ». »). Avec le diagnostic, ils ont pris conscience du caractère involontaire de certains comportements problèmes. (« je lui disais « mais tu es maladroit », c'est des choses qui peuvent être blessantes. Et maintenant je me rends compte que c'est des choses qu’il ne pouvait pas en fait ». « C’est pas qu’elle fait semblant de pas nous écouter, […] elle est ailleurs. ») avec parfois un sentiment de culpabilité à postériori, d’avoir blâmé leurs enfants pour des comportements dont ces derniers souffraient également. Avoir un TSLA ou un TDAH est perçu par beaucoup comme une injuste différence, une « anomalie ». L’aboutissement de ce cheminement, l’évolution des représentations parentales sur le(s) trouble(s), vont les amener à s’opposer à certaines représentations collectives. Ils réfutent l’idée véhiculée de « maladie imaginaire » mais souhaitent toutefois éviter de trop médicaliser le trouble, et Occitadys les aide à cela en permettant des consultations extrahospitalières. Le handicap est vu comme une construction sociale ou scolaire. (« ils sont tellement rien et inexistants parce que l’école les handicape en fait. »). Malgré l’affirmation de ces opinions, les parents continuent de craindre le jugement d’autrui sur les difficultés vécues par leur enfant et cherchent à en protéger leurs enfants. (« j'ai pas envie de partager avec mes proches ». « J’étais un peu gênée je n’avais pas envie d’étaler … » « On va pas le stresser. [en imposant l’utilisation de l’ordinateur au collège] »)
Les parents identifient Occitadys comme pouvant répondre aux enjeux majeurs de la prise en charge de ces enfants. (« C’est l’avenir des enfants qui est en jeu là. […] ils pourront avoir une scolarité plus adaptée, plus normale et s’épanouir dans la vie, avoir une profession, et pas être de côté … »). Ceux ayant participé aux groupes Barkley y ont trouvé une réponse à leur besoin de guidance et de se confier, même si les parents d’adolescents auraient néanmoins souhaité en bénéficier plus tôt. Concernant le traitement par méthylphénidate, les représentations sont très tranchées. Certains parents ont de nettes réticences, liées à la notion-même de traitement médicamenteux chez l’enfant ou à la peur que le traitement le change. Au contraire, d’autres le perçoivent comme LA solution, unique et même suffisante. (« Jusqu'à qu'il ait le traitement, là ça a tout changé par contre. Parce que du coup il n'a plus besoin d’une mise en place spécifique à l'école. Il est rentré dans les clous direct au moment où il a pris le traitement en fait. […] sa scolarité a vraiment changé du tout au tout, il revit quoi … depuis le traitement. »). Pour plusieurs parents, le traitement est le seul moyen trouvé pour faciliter l’inclusion (notamment sociale) de l’enfant.
Les parents témoignent de l’atténuation des troubles de leurs enfants suite à la prise en charge pluridisciplinaire par le parcours TSLA, que ce soit dans le cadre du comportement (« Il est trop heureux de s'être vu changer comme ça, il ne savait même pas que c'était possible pour lui. Je pense que vraiment il en souffrait, de cette différence et du fait qu'il n'arrivait pas à être comme tout le monde. »), des troubles graphiques et praxiques (« On voit l'écriture, il a fait des progrès »), des résultats scolaires (« on a de très bonnes appréciations pour la première année »), de la gestion et l’expression des émotions, des capacités de planification (« la psychomot lui a permis d'arriver à planifier différentes choses, chose qu'elle n'arrivait pas à faire. […]»). Globalement, la parcours a eu un impact positif sur la santé mentale de l’enfant, initialement très fragilisée. (« leur santé morale ça les sauve c’est sûr, pour leur confiance en eux … ils posent plus la question pourquoi ils existent parce que moi ma fille on en était là. »). Les troubles ne disparaissent pas pour autant et les parents craignent une remontée des troubles en cas de rupture brutale de soins. (« Donc c'est vrai que moi j'ai pas envie que ça s'arrête, voilà. […] il y a encore beaucoup de travail »). Si Occitadys ne permet pas une prise en charge exhaustive ni illimitée, le parcours peut faciliter les transitions afin de limiter les discontinuités. (« on m'avait dit que quand Occitadys avait pris en charge la première année […], il y aura la MDPH qui va prendre le relais. Donc, du coup la MDPH, j'ai eu la notification il n'y a pas si longtemps que ça. »)
Les enfants sont naturellement partie prenante dans leur parcours de soins. Ils accèdent notamment à l'éducation thérapeutique, ils sont aussi impliqués par leurs parents et par les soignants dans les décisions thérapeutiques. (« le traitement c'est ** qui l'a décidé, et croyez-moi qu'il n'y a pas une journée où il oublie de prendre son cachet. »). La plupart des enfants semblent satisfaits des propositions qui leurs sont faites et du soutien apporté, et sont donc motivés à effectuer les rééducations. (« la psychomotricienne me disait que ça se passait très bien, qu'il était volontaire […] Je pense qu'il a vu les progrès qu'il a fait en écriture … Il voyait un intérêt. » « Elle adore y aller, elle est bien [chez l’orthophoniste] […] elle est toujours en demande […] Même si ça la fatigue elle adore y aller ».). Les capacités d’adaptation à l’investissement supplémentaire demandé par les prises en charge rééducatives ne sont cependant pas les mêmes selon les enfants. Ils peuvent donc être paradoxalement mis à mal par la surcharge induite. (« Les devoirs, c'est infaisable cette année, il fait rien. […] en général il y a l'ergothérapeute, il y a la psychologue, il y a l'orthophoniste. Et donc juste après, c'est impossible de faire les devoirs. Ça lui fait trop. Il y a beaucoup de fatigue en fait. Tout ce suivi est super, mais l'épuise. Ça le fatigue, il en a marre. »)
Cette étude est aussi l’occasion de mettre une nouvelle fois en évidence l’importante charge supplémentaire vécue par les parents du fait du TSLA : pour s’informer sur les troubles, chercher la meilleure prise en charge, assurer la coordination entre professionnels rééducateurs et enseignants, effectuer les démarches auprès de la MDPH, aider dans les devoirs, prendre en main l’outil informatique, accompagner dans les soins… La majorité des parents interrogés ont dû modifier ou adapter leur activité professionnelle (« Je pouvais plus être salariée parce que c’était très compliqué de sortir. Et je me suis mise à mon compte, là je respire un peu mieux. » « Pour moi ça coinçait. […] j’ai essayé le temps partiel […] donc oui du coup je suis moins payée mais je reste avec un secteur temps plein donc du coup je dois abattre encore plus de travail sur un temps plus réduit et du coup c’est … très compliqué à faire … »), réduire les loisirs personnels et familiaux (« cette année on lui a dit si tu fais, tu fais qu’un seul truc. […] et on pouvait pas se permettre deux. [financièrement] ». « Le temps personnel y’en a plus … et pas de week-ends. »). Ce rôle complexe est à terme une source d’épuisement parental (« on n'en pouvait plus en termes de parents parce qu'à la maison c'était très très compliqué. » « il y a des jours où je suis complètement dépassée. » « Les tenir à bout de bras jusqu’à plus pouvoir tenir eux-mêmes debout … » « y’a pas de temps où on se dit « bah je réfléchis pas à ça ». […] vous êtes tout le temps tout le temps le cerveau en ébullition en permanence pour pouvoir avancer et pour être sûr que les caps sont passés. »), d’autant plus qu’il est le plus souvent assuré par un seul des parents, et cela quelle que soit leur situation maritale. (« Y’a beaucoup de choses où il peut pas m’aider du tout pour les enfants. C’est moi à 99% »). Dans ces situations aux enjeux déterminants pour les enfants, les divergences parentales peuvent être mises en exergue ; et ce toujours indépendamment de la situation maritale. C’est le cas par exemple pour la participation au groupe Barkley, la mise en place d’un cadre éducatif ou l’introduction d’un traitement. (« son papa lui … il comprend pas trop la problématique. […] le problème selon lui, c'est qu'on lui met un cadre et que ça lui pose problème à mon fils, c'est pour ça qu'il a une colère. Alors lui, il a décidé de ne pas lui mettre vraiment de cadre … ». « Mon ex-femme, s'oppose à toute forme de traitement de mon fils et trouve qu'il n'a rien et que tout ce qu'on fait est strictement inutile. »). Si l’évaluation externe de l’expérimentation Parcours de soins TSLA Occitanie a mis en évidence une baisse de ce fardeau, le besoin de soutien des familles reste donc réel. Occitadys essaie d’y répondre en développant son réseau et formant les correspondant d’entrée de parcours afin d’être en mesure d’orienter les familles vers les solutions existantes : groupes de parents, aides éducatives, séjours de répit…
Enfin cette enquête s’intéresse au rôle joué par l’Ecole dans le parcours de l’enfant.
Le système scolaire a tout d’abord un impact déterminant dans le vécu social de l’enfant. Certains parents rapportent un vécu difficile dû à la culpabilisation et à la dévalorisation de leur enfant par eux-mêmes, leurs pairs, ou leurs enseignants… (« Quand tu dis à un enfant constamment « concentre-toi, arrête de bouger, tu fais exprès ou quoi ? », le gamin en fait il est démonté quoi. » . « Vos enfants ils entendent voilà « t’es un fainéant, t’façon t’y arriveras jamais » en primaire … C’est très dur, très très dur pour qu’ils s’en remettent et qu’après ils arrivent à croire en eux. »). Cela a pour conséquence de marginaliser les enfants. (« Si vous lui faites des remarques toute la journée, elle va pas vous demander de l’aider […] déjà sans demander de l’aide vous la dévalorisez. » « Il n'aime pas du tout jouer à ce sport d'équipe bah parce qu'il a des problèmes de motricité aussi et que … il a du mal à participer. » « Depuis le CP il était tout seul au fond de la classe, complètement mis à l'écart »). Se développe alors une crainte anticipatoire, avec un parent qui se positionne parfois en bouclier face au système scolaire. (« L'ordinateur pour l'instant, il se sent pas de le prendre au collège, il a peur. C'est peur du regard des copains. Qu’on on se moque de lui … » « [la maîtresse] « pourquoi vous nous avez jamais dit ? », j’avais peur qu’elle soit isolée au fond de la classe et qu’elle soit traitée … je sais pas … la lépreuse [pointe du doigt]. »). A l’inverse, les parents témoignent de l’impact positif de l’implication de l’enseignant (« En fait, donc son maître CM2 était très très compréhensif. Il a fait décoller au niveau scolaire en fait… » « il y a certains professeurs avec qui ça passe bien, et du coup ça va tout seul. Et d'autres, pas du tout. »).
Les enseignants jouent ensuite un rôle important de repérage et d’orientation et c’est souvent l’impact scolaire qui guide en premier l’indication médicale à une prise en charge rééducative et/ou médicamenteuse. Ils ont aussi pour rôle de mettre en place les aménagements scolaires. Certains enseignants ou directeurs d’établissements essaient de faciliter les démarches administratives et mettent en place des adaptations de manière informelle et spontanée. (« le jour où il y avait d'écriture, […], à lui elle lui disait « Tu le fais en deux temps, tu m'en fais une partie là », et comme souvent, quand elle le donnait il y avait un mercredi ou un week-end derrière. Il y avait du temps, je veux dire à la maison, pour le faire.» « Comme il y a déjà une AVS dans la classe, elle a droit à l'AVS aussi. » « la maîtresse lui donne aussi des polycopiés. Il n'a pas non plus énormément de choses à recopier, mais c'est informel. C'est la maîtresse qui l'a suggéré. »). Parfois, certains aménagements sont à terme proposés à tout le groupe classe. (« [les polycopiés avec textes à trous] elle le fait pour tout le monde après au bout d'un instant » « le trouble de l’attention était pas … voilà il a été lissé parce qu’il y avait déjà des aménagements dans la classe. » « […] Par la maîtresse, c’est sa classe qui était comme ça. Il y a à disposition … vous savez les coussins justement pour les enfants qui ont les troubles de l’attention … y’en a cinq à disposition donc en priorité ils sont destinés aux enfants qui en ont besoin … et là si il y a un enfant à particularités qui en a besoin, il peut aller le chercher. » « Il y a un bureau debout, et entre chaque temps de matière il y a un temps de yoga, 5 min, mais de mise debout ».). Suite à la mise en place des aménagements scolaires, les parents observent une meilleure intégration de leur enfant. (« elle lève plus la main elle m'a dit […] Elle s'est investie en classe […] elle est vraiment en confiance. » « [les aménagements scolaires] ça l'a beaucoup, beaucoup aidé. » « il est réintégré, il a enfin des camarades à côté de lui en classe, il suit comme tout le monde. »)
Inversement, certaines familles témoignent de dysfonctionnements dans la mise en place des aménagements (« il y a toujours une adaptation, et chaque enseignant a pas la même sensibilité aussi. » « Il a fallu que j'y aille 5-6 fois pour leur expliquer comment ils pouvaient fonctionner, même si son maître auparavant avait déjà demandé du CM2 à la 6ème à ce qu'il ait des professeurs qui le comprennent. Il avait expliqué comment ***** fonctionnait. ». « Dans le PAP c'est noté - n'hésite pas à lui redonner la consigne. […] Il suffit qu'on lui redise et ça part tout seul. Alors que par exemple, l'année dernière il y avait une professeure d'histoire qui lui ... qui n'a pas voulu ». « Il y a des enseignants qui ne comprennent pas. […] certains enseignants disent « non, non, il faut continuer le geste graphique ». Mais ça fait mal à la main, donc euh voilà il fait des fautes. »).
La charge portant sur les parents peut être allégée grâce à la participation active de l’école et/ou de l’enseignant dans un soutien particulier de l’enfant, par de l’aide aux devoirs (« cette année la maîtresse justement restait le soir. […] du coup ils faisaient leurs devoirs avec elle en partie, […]. Et je pense que, voilà, ça a beaucoup aidé. ») ou la facilitation des rendez-vous rééducatifs.
Le parcours de l’enfant pourrait donc être amélioré par la formation des enseignants sur les TSLA et une meilleure coordination entre les professionnels du soin et ceux de l’Education Nationale (« Il y avait un moment donné où de nouveau l’inattention était bien remontée et la maîtresse était un peu déboussolée parce que ça s'était un peu calmé, et c'était reparti. Et la psychomotricienne lui a conseillé, ben voilà il fallait travailler au positif. Et donc chaque instant où X ne parlait pas, il récupérait une petite gommette. Et au bout de tant de gommettes c'était une carte bon point. Et ça a vraiment fonctionné. »).
Pour lire l’intégralité de la thèse :
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-04627653v1/file/MATHON%20Ana%C3%AFs_th%C3%A8se.pdf